Pour Noël, mettez un sourire sur le visage de vos (petits-) enfants, et redonnez la chaleur d’un foyer à un jouet orphelin. C’est ce que propose Rejoué, une ressourcerie de jouets, née porte-de-Vanves.
L’association d’économie sociale et solidaire Rejoué est créée en 2010, de l’idée d’une jeune maman. Claire Tournefier, dont le fils a alors trois ans, se rend compte de la monstruosité du marché du jouet. Derrière les vitrines de décembre aux lumières chatoyantes et aux décors magiques, les jeux sont tout en plastique, vite achetés, vite abîmés, vite débarrassés. Bénévole à la Croix-Rouge en parallèle de son activité de manager en communication, Claire est directement témoin de la surconsommation : 100 000 tonnes de jouets sont gaspillées chaque année en France, et leur durée moyenne d’utilisation ne dépasse guère les huit mois. Des montagnes de dons arrivent aux centres de la Croix-Rouge, mais, souvent en mauvais état, ils partent aussi à la poubelle.
Claire quitte son emploi, et fonde Rejoué, qui se réclame d’une triple mission “sociale, environnementale et solidaire”. L’idée est d’offrir à des individus en réinsertion professionnelle l’opportunité de travailler dans un atelier de réparation de jouets, puis de revendre les jouets ainsi revalorisés à prix abordables. Le premier atelier-boutique ouvre en 2012.
De l’atelier à la boutique
Rejoué réalise donc des collectes de jouets, mais attention, tous les dons ne sont pas acceptés : en puériculture, l’objet doit posséder un marquage Certification européenne (CE) indiquant qu’il est conforme aux règlementations de sécurité, et tous doivent être dans un état correct.
En effet, les employés de l’atelier ne sont pas des professionnels de la réparation : sur la soixantaine de personnes qui constituent l’équipe de Rejoué, les trois quarts sont en réinsertion professionnelle. La majorité sont des femmes, dont des mères, qui peuvent bénéficier d’un travail rémunéré à mi-temps, quatre jours par semaine, sans laisser de côté leurs enfants. Ce sont aussi des personnes sans domicile fixe et des jeunes précaires. Ils et elles sont en parallèle accompagnés par une équipe pour les aider à passer des diplômes et retrouver un emploi. Ils restent à l’atelier entre six mois et deux ans, le temps de sortir d’une situation difficile (maladie, difficultés de logement, précarité, solitude…).
À l’atelier, aujourd’hui situé à Vitry-sur-Seine, on nettoie, et on remet en état comme on peut, avec les compétences de chacun. On complète les sets de Lego et les jeux de société avec des pièces détachées en réserve. Ce n’est pas un retour à l’état neuf, mais le jouet est prêt à être mis entre les mains d’un enfant.Les jouets, ainsi prêts pour leur seconde vie, embarquent vers différentes destinations : les uns seront vendus en gros à des crèches et des écoles ; les seconds partiront en boutique, au 140 rue du Château dans le 14e, ou à sa petite sœur de Levallois-Perret. Ils y sont vendus 40 à 50% moins cher que le prix d’origine. Enfin, les derniers feront l’objet d’opérations de solidarité : plus de 9000 jouets ont été distribués à des enfants vivant dans la précarité en 2024, notamment pour Noël.
L’écueil à l’horizon
Après quinze années d’existence, le bilan est plus que positif : 69 personnes ont été accompagnées par Rejoué en 2024. Elles ont remis en circulation 80 000 jouets, soit l’équivalent de 1000 tonnes de CO2 évitées. L’étroit atelier-boutique de porte-de-Vanves a bien grandi : en plus de ses deux vitrines parisiennes et de l’atelier de Vitry, Rejoué coordonne ses actions avec quatorze autres associations du même type partout en France, au sein du réseau “Rejouons Solidaire”. Rejoué chercherait même de nouveaux locaux pour son atelier, afin d’augmenter ses capacités d’accueil. Rue du Château, la boutique a trouvé sa clientèle : ce sont souvent les discussions devant les grilles d’écoles, riches en bouche-à-oreille, qui ont permis aux parents du quartier de découvrir l’initiative. La concurrence est rare, puisqu’il n’existe pas d’autre ressourcerie spécialisée dans le secteur du jouet en Île-de-France. Si certains magasins de seconde main proposent des rayons jouets, le choix est largement plus restreint qu’à Rejoué, où Lego, Playmobil, peluches, vélos, poupées, jeux de société et livres pour enfants garnissent les étagères.
Néanmoins, l’association est plus que jamais en péril : à cause de coupes budgétaires, les subventions publiques accordées à Rejoué ont baissé de 40% en l’espace d’une seule année. L’écueil se dresse désormais à l’horizon : il y a quelques mois, on estimait encore que le bilan de fin d’année afficherait un déficit de 100 000 euros. La catastrophe semble depuis voir été évitée grâce à un regain de mécénat, mais la situation reste tendue, comme pour un nombre croissant d’associations, également touchées. Rejoué fait donc appel aux mécènes et aux bénévoles pour lui venir en aide, et défier le destin.
Pour contribuer, toutes les informations sont sur le site rejoue.asso.fr.
Lucile Vinckier

